Centre Culturel Tjibaou / Ngan Jila - Nouméa

Centre Culturel Tjibaou / Ngan Jila - Nouméa - Grande Terre, Province Sud - Nouvelle-Calédonie - France - Carnets de route - Photographie - 00
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Le centre culturel Tjibaou est un édifice public destiné à promouvoir la culture kanak / canaque, situé entre les baies de Tina et de Magenta, sur une presqu'île en périphérie de Nouméa.

Prévu dans les accords de Matignon de 1988, ce centre de la culture kanak a été édifié entre 1995 et 1998 par l'architecte Renzo Piano, dans le cadre des Grands Travaux de la République. Inauguré les 4 et 5 mai 1998, l'édifice aura coûté 320 millions de francs français (48,8 millions €). Son nom lui a été attribué en hommage au leader indépendantiste kanak Jean-Marie Tjibaou, à l'origine de ce projet et assassiné en 1989.

Le CCT est géré par l’Agence de Développement de la Culture Kanak (ADCK).

Architecture

Son parti architectural est une traduction moderne et monumentale de l'architecture vernaculaire de l'île. Le centre est constitué de dix hauts bâtiments semblables nervurés et effilés en bois ainsi que de bâtiment plus classique. Il s'étend sur 6 700 m². Le projet de départ a été conçu par Renzo Piano en concertation avec les communautés locales dont la veuve de Jean-Marie Tjibaou.

Une étude en soufflerie, avec mesure des pressions locales, a été réalisée au CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) de Nantes sur une maquette de plexiglas au 1/100ème.

Jean-Marie Tjibaou (1936-1989)

Né en 1936 à Tiendanite, petit village tribal de la vallée de Hienghène, Jean-Marie Tjibaou reçut une éducation catholique qui devait durablement le marquer. Il fréquenta l'école de la mission de Canala jusqu'en 1947, puis entra au petit séminaire de Païta. Il effectua son noviciat à l'île des Pins et fut ordonné prêtre en 1965 à Hienghène, mais exerça son ministère à la cathédrale de Nouméa.

Entre 1968 et 1970, il séjourna en France où il suivit les cours de l'Institut de sociologie de la faculté catholique de Lyon. En 1970, on le retrouve inscrit en ethnologie à l'École pratique des hautes études à Paris. Son projet de thèse sur les fondements et la portée de l'identité culturelle des Mélanésiens n'aboutira pas sur le plan académique. En revanche, la réflexion qui le sous-tend l'amène, à son retour en Nouvelle-Calédonie en 1972, à abandonner la prêtrise pour jouer un rôle actif dans les affaires culturelles du Territoire. Fonctionnaire du Service de l'éducation de base, il fait la promotion de l'Association féminine pour un souriant village mélanésien. On lui doit la conception et, partiellement, l'organisation du festival Melanesia 2000 de septembre 1975 qui permit, pour la première fois, la manifestation du fait culturel mélanésien et la prise de conscience par la communauté autochtone de constituer l'élément central de la personnalité collective néo-calédonienne. Membre de l'Union des Indigènes Calédoniens Amis de la Liberté dans l'Ordre (UICALO), Jean-Marie Tjibaou est élu coup sur coup maire de Hienghène et conseiller territorial de la côte est en 1977. Au sein de l'Union calédonienne il est l'un des principaux artisans de l'abandon du concept d'"autonomie" pour celui d'"indépendance", d'abord "pluriethnique" (1977), puis très vite "kanake" (1978). Aussi, aux élections territoriales de 1979 apparaît-il comme un des leaders du Front indépendantiste (FI, qui obtient 34,5 % des suffrages).

En 1982, il obtient, par l'entremise du haut-commissaire Christian Nucci, que les leaders modérés de la Fédération pour une Nouvelle Société Calédonienne (FNSC) rompent leur alliance avec le Rassemblement Pour la Calédonie dans la République (RPCR) du député Jacques Lafleur et lui accordent leur soutien pour promouvoir une nouvelle majorité. Devenu vice-président du Conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, Jean-Marie Tjibaou réussit à convaincre le gouvernement national de préparer une réforme profonde du statut du Territoire, pour mener celui-ci en cinq ans à l'indépendance. Mais, lorsqu'il se rend compte qu'il lui est impossible de rassembler autour de lui une majorité favorable à l'indépendance, il convainc les instances du FI, devenu Front de Libération National Kanak Socialiste (FLNKS), de procéder au "boycott actif" de l'élection territoriale de novembre 1984.

Les affrontements entre indépendantistes et nationaux qui font suite au scrutin de novembre 1984 et à la nomination en décembre de la même année d'Edgar Pisani comme représentant du gouvernement en Nouvelle-Caledonie atteignent cruellement J.-M. Tjibaou : il y perd un de ses lieutenants, Éloi Machoro (abattu par le GIGN à La Foa), et plusieurs de ses frères (fusillade de Hienghène).

Il apparaît alors comme l'homme de la révolte de la "brousse agricole" contre les "gens de la ville et de la mine". Au début de 1985, il se rend compte que la fragilité de ses troupes ne lui permettra pas d'atteindre rapidement l'indépendance ; aussi devient-il homme de négociation. Il accepte la réforme régionale dans la mesure où elle lui permet de contrôler les trois quarts de l'archipel (avec 35,4 % des suffrages si on cumule les voix du FLNKS et du LKS). Il refuse par contre de participer au référendum d'autodétermination prévu par le gouvernement Fabius et réalisé par le gouvernement Chirac.

Le "oui" massif des Néo-Calédoniens au "maintien de la présence française" (60 % des inscrits et plus de 90 % des votants) lui porte préjudice. Les tenants d'une indépendance à conquérir rapidement par les armes contestent son autorité. Ce fut particulièrement manifeste au moment de "l'affaire d'Ouvéa" (mai 1988), mais le bain de sang qui en fut la sanction le servit, montrant tout à la fois les limites de la politique insurrectionnelle et la nécessité absolue pour les représentants du gouvernement national, de quelque obédience qu'ils fussent, de renouer le dialogue avec le FLNKS. C'est ainsi qu'en août 1988 J.-M. Tjibaou pour le FLNKS et J. Lafleur pour le RPCR se déclarèrent d'accord pour mettre en place durant dix ans un régime transitoire d'"autonomie provinciale" largement financé par la métropole, préalable à un vote d'autodétermination (1998).

Par une tragique ironie dont l'histoire est coutumière, J.-M. Tjibaou devait être abattu le 4 mai 1989 à Ouvéa par un fanatique du FLNKS avec les armes prises, un an plus tôt, dans la gendarmerie de Fayaoué.

Marié à Marie-Claude Wetta, fille de Doui Matayo, l'un des neuf premiers Mélanésiens élus du Territoire (Conseil général, 1953) et sœur d'Henri, l'un des principaux leaders du RPCR, J.-M. Tjibaou a pu de longue date dialoguer avec "le camp d'en face". Par sa formation théologique, il avait acquis un talent de persuasion et une force de conviction remarquables.

Il aura eu le mérite de catalyser et d'exprimer les frustrations refoulées trop longtemps au sein des tribus mélanésiennes marginalisées par la société cosmopolite, urbaine et industrielle. Il aura compris l'importance qu'il y a à former des élites et à acquérir un capital économique pour fortifier sa cause. Mais, bien que lui-même métissé, il n'aura pas su traduire la nécessité d'un brassage des valeurs de l'ensemble des groupes ethniques pour bâtir durablement une force de large union, un peuple pour la Nouvelle-Calédonie.

>>> Commentaire issus de l'Encyclopædia Universalis, article de Jean-Pierre Doumenge, directeur de recherche au CNRS, directeur du Centre des hautes études sur l'Afrique et l'Asie modernes

Nouvelle-Calédonie - 2004